"A moi. L'histoire d'une de mes folies"."Jadis, si je me souviens bien, ma vie était un festin où s'ouvraient tous les cœurs, où tous les vins coulaient.
Un soir, j'ai assis la Beauté sur mes genoux. - Et je l'ai trouvée amère - Et je l'ai injuriée.
Je me suis armé contre la justice.
Je me suis enfui. Ô sorcières, ô misères, ô haine c'est à vous que mon trésor a été confié !
Je parvins à faire s'évanouir dans mon esprit toute l'espérance humaine. Sur toute joie pour l'étrangler j'ai fait le bon sourd de la bête féroce.
J'ai appelé les bourreaux pour, en périssant, mordre la crosse de leurs fusils. J'ai appelé les fléaux, pour m'étouffer avec le sable, le sang. Le malheur a été mon dieu. Je me suis allongé dans la boue. Je me suis séché à l'air du crime. Et j'ai joué de bons tours à la folie."
Arthur Rimbaud, Une saison en Enfer."Cet hiver-là, ivre d'absinthe, Rimbaud s'est battu dans cette cour contre des adversaires imaginaires et peut-être qu'il s'est assis dans le même coin, le dos contre le mur, et qu'il s'est endormi sur le pavé, dans la rosée noire de l'aube".
JMG Le Clézio, La quarantaine.
"Sans doute on ne veut pas que mêlant nos douleurs
Nous nous aidions l'un l'autre à porter nos malheurs"
Britannicus
Je continue à aligner les mots, plus par habitude qu'autre chose. Mettre des majuscules, des points, des virgules, et entre tout ça, des mots des mots des mots.
Tout ça pour faire des phrases qui n'ont pas leur place ici, mais je suis fatiguée et c'est tellement plus simple de taper à l'ordinateur que d'appuyer sur la pointe des stylos pour faire couler l'encre. Tellement plus facile. On peut écrire beaucoup plus de conneries, des lignes et des lignes sans effort, et tout effacer en gardant un doigt sur une touche si l'on a envie.
Dans exactement trente cinq minutes il faut que je sois endormie.
Apparemment aujourd'hui c'était le premier avril.
A part l'alarme incendie qui a sonné deux fois, j'ai connu mieux comme premier avril...à moins qu'on considère comme une bonne blague le fait qu'Alex puait l'alcool à 10 heures du matin, alors même qu'il devait passer à l'oral devant une trentaine de personne.
C'est pas facile de soutenir les gens.
A 19h30 alors que je rentrais chez moi je me sentais prise d'affection pour tous ces gens cabossés ; ça m'arrive, parfois.
Il y avait deux aveugles dans le bus, ils rigolaient très fort, un jeune et un vieux, deux amis, le chauffeur les prévenait pour leurs arrêts, et les gens les aidaient à descendre.
On pourrait penser que c'est très triste d'être aveugle, et pourtant les deux aveugles étaient les personnes les plus heureuses dans le bus.
Tous les autres tiraient la gueule, ne pensant qu'à se désinfecter les mains avec ces conneries de solutions hydroalcooliques, parce qu'ils s'aggripaient aux barres où, oh mon dieu, tant de personnes dégueulasses ont dû s'aggriper avant eux. Tous les autres consultaient leurs messages sur leurs portables, lisaient des magazines pour illettrés, ou restaient là, comme des cons, collés à d'autres cons, puisque c'était heure d'affluence.
Mais quand je commence à penser comme ça, c'est fini, j'aime plus le monde, et je voudrais éviter ce soir.
A la maison j'avais encore du cœur à offrir. En ce moment c'est toujours bien de rentrer à la maison, parce qu'il y a ma grand mère et que, quelque soit l'heure à laquelle je rentre, elle est heureuse de me voir pousser la porte.
C'est bon de se sentir attendue quelque part.
J'ai parlé du bac et de la drogue avec ma petite sœur, et on a presque réussi à parler d'avenir sans s'engueuler.
Parfois je voudrais porter les gens sur mes épaules pour les emmener plus loin.
Oublier que je ne m'en sors pas moi même, oublier mes faiblesses et mes ridicules petits bras dont je peux presque faire le tour d'une main.
Soulever une dizaine de personne sur mon dos, tituber un peu forcément, mais, en les écoutant espérer, trouver la force de commencer une longue marche pour les emmener ailleurs.
Je ne sais pas si, pour faire ce genre de chose, il faut soit même avoir été soulevé auparavant. Si au préalable il faut que quelqu'un nous ait emporté plus loin à la force de ses bras.
Je parle des gens comme si c'était de vulgaires paquets, je n'ai pas de réponse à mes questions, et l'heure du couvre-feu - parce qu'il existe encore, dans notre autarcie- approche.
Alors je vais fermer ma petite bouche qui crache bien trop facilement sur tout et tout le monde.
En espagnol, pour qualifier un dictateur paraguayen, la prof a utilisé une expression qui a fait sourire tout le monde : "minusvalido del corazon" (handicapé du cœur)
J'ai pensé à mon petit cœur - que j'avais dessiné sur ma main gauche, avec ses veines et ses artères - mon petit cœur dans sa bassine de whisky.
J'ai souri avec les autres et personne n'a su que, pendant un court instant, j'ai envisagé une carrière de dictatrice.