J'ai mal à la tête et j'en peux plus de voir ces corbeaux sur leurs fils électriques.
Alors on va faire semblant qu'on sait encore écrire, qu'on sait encore faire autre chose que se casser la gueule sur le verglas, que d'avoir des -34/20, que connaitre par cœur la page d'accueil de facebook.
Je me demande si un jour j'arriverai à être celle que je voudrais être.
Ce qui est étrange c'est que, pourtant, ça ne tient qu'à nous d'être. Avoir c'est pas pareil, c'est plus compliqué.
Il y a tellement de choses qui ne dépendent pas de nous.
La voix de John Lennon, le prix des consommations à la machine à café, la politique de Barack Obama, la météo, les retards à la sncf, les réformes orthographiques de l'académie française, les ampoules qui grillent, les pages des livres qui se décollent, les rubans qui s'effilochent, la connerie des autres, ce putain de climat, l'odeur de l'herbe au printemps, les papillons qui ne vivent qu'une journée, les gens qui ont une leucémie, les gens qui meurent de la leucémie, les tempêtes, la migration des oiseaux, les gens aveugles qui n'ont jamais vu un seul tableau impressionniste, les gens sourds qui n'ont jamais entendu la symphonie du nouveau monde, les pannes de réveil, les fuites de gaz, les tricheurs au poker, la vie des autres.
"La vie des autres" est le titre d'un film très impressionnant.
Ce type de la Stasi tellement froid dans son appartement gris, dans son manteau gris, avec son casque gris et ses yeux gris. Il vole la vie pailletée du jeune couple d'artistes. Chez lui c'est tout froid et tout seul, il mange des boites de conserves debout dans sa cuisine en carrelage. Chez eux il y a de la musique et des amis et de l'alcool et des cadeaux.
Il y a aussi cette scène de l'ascenseur avec le petit garçon.
" - Est-ce que c'est vrai que vous travaillez pour la stasi? - Et qui dit ça? - Mon papa. - Et comment il s'appelle ton... - Mon quoi? - ... ton ballon! - Vous êtes fou, les ballons n'ont pas de noms !"
La vie des autres. Le titre est tout.
Il y a tellement de choses qui ne dépendent pas de nous.
Et on n'est même pas foutu de refermer le poing sur cette personne que l'on voudrait être, qu'on croise parfois dans le miroir qu'on a poli avec notre confiance et notre amour propre.
Cette personne qui court plus vite que nous dans les couloirs obscurs, celle qui aurait toujours su quoi dire, quoi répondre, quoi faire.
Et toujours nos poings se referment sur le vide, parce qu'on n'a pas le courage, pas l'envie, pas la force, pas la volonté -tout ça c'est du pareil au même, ce ne sont que des excuses.
Alors à défaut de devenir cette personne qu'on voudrait être, on n'a plus qu'à serrer les poings et à aller taper dans le mur.
à 20:09